Le Festival Black Movie fête ses vingt ans ! C’est la vingtaine édition du festival genevois dédié au cinéma d’auteur dans son approche la plus curieuse et aventureuse. Si vous voulez voir quelque chose de différent, c’est au Black Movie que ça se passe ! Directrices et programmatrices du festival, Kate Reidy et Maria Watzlawick nous présentent ce cru très particulier…
Pour cette édition anniversaire très spéciale, quel bilan tirez-vous du festival et quels sont vos objectifs pour les prochaines éditions ?
Nous tirons un bilan très positif des vingt éditions derrière nous. Nous comptions 3.000 spectateurs en 1999, ils étaient 30.000 en 2018 ! Le public nous fait confiance et nous suit dans nos propositions même si elles sont parfois audacieuses et sans filet : des films aux sujets forts et aux durées non formatées. Vingt ans, c’est aussi plus de 500 cinéastes des quatre coins de la planète qui sont venus à Genève pour rencontrer le public et parler de leurs films. Vingt ans c’est aussi l’immense succès du petit Black Movie, la section qui s’adresse aux plus jeunes et qui n’a cessé de croître depuis quinze ans.
Notre objectif est de poursuivre selon cette même ligne en continuant à programmer ce cinéma qui n’a que peu d’existence sans cette diffusion événementielle et d’affiner encore nos programmes en attirant encore d’autres publics.
Comment s’est organisée la carte blanche offerte à divers cinéastes fétiches de Black Movie ?
Un anniversaire, c’est aussi l’occasion de réunir les gens qui comptent. Nous dédions notre section phare A suivre aux cinéastes à suivre absolument depuis quinze ans. C’est pourquoi, pour nos vingt ans, nous avons pensé à proposer à ces cinéastes incontournables de nous pointer un film qu’ils aimaient particulièrement et qu’ils souhaitaient faire découvrir ou revoir. Le programme qui en résulte est extrêmement éclectique, puisque cela va du classique 60’s, avec La Marque du tueur de Seijun Suzuki, à une première mondiale, Gino and Marie de Joselito Altarejos.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur la section Cherchez la femme, dont les films « questionnent très diversement l’identité féminine » ?
Il s’agit d’un programme de films regroupant des titres qui interrogent à des égards très différents la notion même de féminité. Que ce soit au travers du portrait d’une philosophe argentine septuagénaire qui assume pleinement sa sexualité et ses fantasmes, malgré son grand âge (Mujer Nomade) ou d’une jeune femme brésilienne prise entre mailles du filet du paraître, du monde médiatisé et toc (T.O.C.) ou encore d’une jeune transsexuelle géorgienne prisonnière de son appartement, pour éviter l’hostilité du monde à l’encontre de sa sexualité (Prisoner of Society).
Avez-vous des coups de cœur à nous faire partager parmi les films retenus ?
J’en citerais deux : Aurora de Bekzhat Pirmatov, réalisateur kirghize qui met en scène, dans un ancien complexe hôtelier soviétique, une galerie de personnages plus loufoques les uns que les autres. Dans cette comédie grinçante, un gap spatio-temporel déclenche une série de mécanismes fatals. Je citerais également Entre dos aguas, de l’Espagnol Isaki Lacuesta, récit initiatique dans lequel on suit deux frères gitans, déjà filmé douze ans plus tôt alors qu’ils étaient adolescents, et que l’on retrouve à trente ans, perdus dans leurs vies de famille et surtout dans les difficultés pour s’en sortir dans une Espagne pauvre et sans avenir. Lacuesta les met en scène de manière extrêmement réaliste, se nourrissant de leurs vécus réels, au son de la guitare gitane de Paco de Lucia.
Dans les deux cas, il s’agit de réalisateurs en devenir, qui font preuve de très belles qualités de mise en scène et promettent de beaux films à venir.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf ou de découvrir un nouveau talent ?
C’est heureusement le cas encore cette année, avec notamment les deux films pré-cités. Les films que nous programmons sont ceux de cinéastes qui tentent précisément de trouver de nouvelles écritures, et dans tous les cas qui prennent un temps cinématographique, à raconter une histoire, à mille lieux de la frénésie de la communication 21ème siècle.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 17 janvier 2019. Un grand merci à Pascal Knoerr.
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