Festival de Locarno | Critique : Lousy Carter

Tour à tour qualifié de bon à rien par son ex, de raté par sa mère et de coquille vide par son meilleur ami, Lousy Carter est en train de sombrer, criblé de dettes et à la dérive.

Lousy Carter
Etats-Unis, 2023
De Bob Byington

Durée : 1h16

Sortie : –

Note :

LE CENTRE DU MONDE

En 2012, le cinéaste américain Bob Byington remportait le Prix Spécial du jury à Locarno avec Somebody Up There Likes Me, une comédie dépressive sur un attachant loser qui marchait à grand pas vers sa propre mort. Onze ans après, le réalisateur retrouve la compétition du festival suisse avec une nouvelle comédie dont le pitch est étonnamment similaire. Le protagoniste est ici un prof quadragénaire plutôt minable qui, apprenant qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre, essaie de comprendre pourquoi son entourage ne l’admire pas autant qu’il pense le mériter. Cet anti-héros pourrait d’ailleurs faire sien le titre du film de 2012 : il doit bien y avoir dans son entourage quelqu’un qui l’aime, non?

Comédie indé à l’humour froid et décalé, découpée en vignettes telle une bande dessinée, Lousy Carter donne d’abord l’impression d’être en terrain presque trop familier. On croit pouvoir deviner à l’avance ce programme mi-ironique mi-mélancolique, aux figures archétypales d’intellos ratés qui marmonnent et au casting rempli de visages familiers (dont Jocelyn DeBoer, coréalisatrice de l’hilarant Greener Grass). La première scène du film, qui semble préfigurer l’enterrement du protagoniste, ne fait-elle pas écho à celle du grinçant Palindrome de Todd Solondz ? Quoi qu’il en soit, Lousy Carter a beau être un film d’une durée brève, il possède suffisamment de place pour laisser entrer une étrangeté bienvenue.

Beau-parleur narcissique qui n’a que ses anciens succès pathétiques à la bouche, Lousy (un prénom qui signifie « foireux », tout un programme) n’a pas vraiment envie d’écouter ses proches qui osent avoir autre chose que de l’admiration pour lui. Chaque discussion supposément pleine d’esprit vient en réalité traduire la superficialité des relations qu’il entretien avec ses amis et sa famille. Mais pas le temps de s’attendrir : à coups de timing comique remonté comme le minuteur d’une bombe, la forme très saccadée du film vient épouser le rythme de ces échanges de sourds. Ce portrait d’une perpétuelle humiliation n’échappe pas aux répétitions, et bénéficie à ce titre de sa durée modeste. C’est en partie grâce à l’interprétation nuancée de David Krumholtz dans le rôle-titre que l’ensemble trouve sa meilleure respiration, à la fois drôlement acide et douce-amère.

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par Gregory Coutaut

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