Critique : How to Have Sex

Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, est-elle vraiment libre d’accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?

How to Have Sex
Royaume-Uni, 2023
De Molly Manning Walker

Durée : 1h28

Sortie : 15/11/2023

Note :

I CAME HERE FOR LOVE

C’est décidé : ces vacances pour Tara et ses copines seront les meilleures qui soient. C’est pour elles une prémonition, car toutes les conditions semblent réunies à la fin du lycée, au début de l’été et sous le soleil de la Méditerranée. C’est aussi un souhait, une course et une pression, il faut que ces vacances soient les meilleures, et le moindre recoin du banal appartement loué devient sujet à l’émerveillement. La Britannique Molly Manning Walker, qui signe ce premier long métrage lauréat du Prix Un Certain Regard, dépeint la débauche à laquelle on peut s’attendre : fête sur fête en club ou à la piscine, des litres d’alcool engloutis, des karaokés exsangues, des gerbes non-stop de vomi – une pause sieste puis on remet ça.

Le premier tiers du film ne raconte d’ailleurs que cela ou presque, dans un geste assez radical dont l’énergie est à la fois survoltée, titubante et somnambule. Mais peu à peu, les protagonistes décuvent, au cœur d’une soirée ou en pleine gueule de bois. Le film évolue avec une certaine dextérité entre la vulgarité de ce qui se déroule (les jeux à boire graveleux, les fêtes qui s’achèvent la tête penchée sur la cuvette des chiottes) et la tendresse que la cinéaste peut avoir pour ses personnages. Une tendresse qu’elle transmet avec talent au public : il n’est jamais vraiment question de juger les comportements des protagonistes dans How to Have Sex.

Le film se montre assez habile dans ses ruptures et contrastes. C’est une fête permanente avec des ami.e.s (ou avec des inconnu.e.s qui deviennent des ami.e.s en un shot), c’est aussi une expérience profonde de la solitude comme peut l’être n’importe quelle fête. C’est un brouhaha permanent, ce sont aussi, au petit matin, des rues qui ressemblent à celles d’une apocalypse zombie, sous un dôme invisible. C’est un passage à l’âge adulte, c’est aussi un âge où l’on porte un collier Angel et des jolis cœurs aux ongles, où l’on se met minable en portant de travers un serre-tête à paillettes. Toutes les joyeuses couleurs de la fête se reflètent sur le visage triste de Mia McKenna-Bruce (une révélation).

Le titre du long métrage laisse entendre qu’il existerait un guide pour avoir des relations sexuelles si ce n’est bonnes, au moins correctes. Ce manuel n’existe évidemment pas dans l’exutoire d’une station de vacances pour jeunes gens. Comment les premières expériences peuvent modeler notre perception du sexe ? Comment gère t-on la pression sociale, comment enseigne t-on le consentement ? Molly Manning Walker aborde ces questions avec finesse dans ce film concis, sans multitudes d’événements, mais où les faits tristement banals sont racontés avec justesse – notamment grâce à l’excellence de son casting. Le film manque parfois de vide, de temps suspendu et de respiration pour gagner en profondeur, mais, en ne singeant ni Andrea Arnold ni Spring Breakers, Molly Manning Walker trouve sa voie à la fois humble et émouvante.

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par Nicolas Bardot

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