TIFF 2023 | Critique : Asteroid City

Asteroid City est une ville minuscule, en plein désert, dans le sud-ouest des États-Unis. Nous sommes en 1955. Le site est surtout célèbre pour son gigantesque cratère de météorite et son observatoire astronomique à proximité. Ce week-end, les militaires et les astronomes accueillent cinq enfants surdoués, distingués pour leurs créations scientifiques, afin qu’ils présentent leurs inventions. À quelques kilomètres de là, par-delà les collines, on aperçoit des champignons atomiques provoqués par des essais nucléaires.

Asteroid City
Etats-Unis, 2023
De Wes Anderson

Durée : 1h45

Sortie : 21/06/2023

Note :

PLANETE PRIVÉE

Asteroid City est une ville qui n’existe pas. Même dans l’univers dans lequel se déroule le film (à supposer qu’il n’y en ait qu’un seul), elle ne sort que de l’imagination d’un dramaturge qui souhaite s’y faire dérouler sa prochaine pièce. Le onzième long métrage de Wes Anderson raconte donc deux récits en parallèle : d’un côté l’histoire en noir et blanc du dramaturge en pleine création dans les coulisses d’un théâtre, de l’autre l’histoire en couleurs de la ville d’Asteroid City qu’il a lui-même inventée. Cette dernière suit une galerie de personnages réunis dans un coin du désert américain pour une étrange convention d’astronomie où rien ne va se passer comme prévu.

Le va et vient méta entre ces deux farces et sans doute censé leur apporter un rythme virevoltant qui emballerait le tout dans un grand vent d’imprévisibilité. De fait, Asteroid City part dans toutes les directions mais pas sûr que ce soit une qualité car non seulement le gimmick devient rapidement vain et agaçant, mais en découpant ainsi son scénario en mini vignettes redistribuées dans tous les sens, Anderson le rend à la fois pénible à suivre et programmatique. Le cinéaste s’approche d’une frontière interessante, celle de rendre son film moins aimable et accessible qu’à l’accoutumée, mais peut-on aimer un film pour son concept uniquement ? Cette fois-ci, les personnages d’Anderson sont si inexistants qu’ils ne sont que des silhouettes prétextes à un défilé de stars sous-employées qui vire au cynisme.

Si le récit est par moments abscons, il faut en revanche souligner l’audacieuse et généreuse colorimétrie du film. Ce mélange de pastels saturés et de technicolor, ces tons délibérément artificiels comme dans une brochure touristique ou une boite de modèle réduit, tout cela donne au film un côté proprement extraterrestre. On ne peut pas dire qu’on voit ca souvent au cinéma, a fortiori dans un film rempli de célébrités américaines. Ces décors peints à l’esthétique de science fiction rétro (La Quatrième dimension est citée sans détours) paraissent eux mêmes sortis d’une autre planète.

Tout cela met souvent l’eau à la bouche mais en l’absence de personnages ou d’enjeux suffisamment consistants, la mise en scène d’Anderson est encore plus cadenassée que d’habitude. A l’exception d’un moment suspendu à la poésie proche du stop motion, c’est comme si la posture du cinéaste consistait à nous faire miroiter la plus luxueuse et ripolinée des maquettes bien à l’abri dans sa vitrine, en nous signifiant bien qu’il est le seul à avoir le droit d’y jouer. On ne touche qu’avec les yeux, et c’est quand même bien frustrant.

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par Gregory Coutaut

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