À l’âge de sept ans, Hay trouva un cheval mort dans un champ et regarda son père et les autres adultes batailler pour s’en débarrasser. Bien que ce souvenir soit flou, Hay est resté très marqué par l’incident et, lorsqu’il se coupe au cours d’un sacrifice rituel, ces images ressurgissent soudainement. Peu à peu, Hay s’enfonce sur un inévitable chemin spirituel, se confrontant à la relation de l’homme à la nature, à l’unité de la matière et du vivant.
Dead Horse Nebula
Turquie, 2018
De Tarik Aktas
Durée : 1h13
Sortie : –
Note :
LE RETOUR A LA TERRE
En pleine campagne, des paysans labourent un champ. Sur leur chemin, le corps d’un cheval mort, impossible à déplacer. Dead Horse Nebula paraît débuter de façon fort naturaliste et terre-à-terre avec cette longue séquence d’ouverture, où un village entier se regroupe pour tenter de se débarrasser de l’animal. Mais les solutions manquent, et le problème se règle finalement de façon extrême, dans une scène flamboyante au sens propre comme au figuré. « Le cheval est retourné à la terre » explique-t-on alors au jeune Hay, fasciné par l’animal décédé.
Une ellipse arrive comme un cheval au galop et nous voilà dans la vie de Hay, devenu adulte. Et à nouveau les scènes captent un réalisme champêtre : on coupe du bois, on s’occupe d’animaux, on va se baigner… Mais comme le protagoniste, nous n’avons pas oublié l’hypnose provoquée par ce cheval parti dans les cieux, ce surgissement presque surnaturel qui revient comme un vertige. Hay et ses camarades virils vont couper des arbres dans la forêt en rigolant, comme s’ils étaient chez eux partout. Ils usent de la nature comme d’une ressource intarissable, sans trop y réfléchir. Mais ce souvenir d’enfance va revenir hanter Hay.
Chaque séquence, chaque bloc de récit de Dead Horse Nebula est en soi réaliste (ou presque) mais est lié aux autres par une transition onirique spectaculaire, tel un mystérieux reflet dans un puits ou sur une vitre. Des éclats lumineux qui donnent l’impression de passer d’une dimension à une autre, de la même manière que chez certains cinéastes asiatiques (comme dans le récent Suburban Birds, une autre des révélations de l’année), le songe permet de passer d’une réalité à une autre, de mêler le passé et le présent. C’est la torpeur (ou l’évanouissement selon les cas) qui va faire remonter le passer dans la vie de Hay.
Difficile de résumer Dead Horse Nebula, film qui sans didactisme ni explication (quitte à flirter avec la frustration), nous parle de la mort animale ou humaine, de la nature et ses cycles, de la culture humaine et son réflexe de destruction. Un film qui, avec un vrai sens du mystère et une grande beauté plastique, à force d’ellipses inattendues et de plans magnifiques, abat les frontières entre l’homme et l’animal, dresse des ponts poétiques entre le passé et le présent, le trivial et le cosmique, les cadavres et les étoiles. Pour son tout premier long métrage, le Turc Tarik Aktas n’a pas peur de viser haut, et il le fait avec une certaine grâce.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Gregory Coutaut