Ida Lupino est restée dans les mémoires comme l’une des plus grandes actrices de l’âge d’or hollywoodien du début des années 30 à la fin des années 50. On sait moins qu’elle fut elle-même une réalisatrice audacieuse, à qui l’on doit une demi-douzaine de films où elle n’hésitait pas à sortir des sentiers battus. Ce portrait de l’artiste vient le rappeler.
Ida Lupino – Gentlemen & Miss Lupino
France, 2021
De Julia & Clara Kuperberg
Durée : 0h53
Sortie : visible sur OCS
Note :
SEULE CONTRE TOUS
On a pu avoir un aperçu du travail des prolifiques Clara et Julia Kuperberg avec le passionnant Et la femme créa Hollywood, sélectionné au Festival de Cannes en 2016. Dans ce documentaire, les deux sœurs réalisatrices participaient à réhabiliter les femmes qui ont été effacées de l’Histoire officielle à Hollywood. Avec ce nouveau film, cette fois dédié à l’Américaine Ida Lupino, Clara et Julia Kuperberg resserrent leur objectif sur un nom – là encore une pionnière, là encore mal connue. On connaît certes Lupino actrice et le documentaire le rappelle : Hathaway, Negulesco ou Walsh l’ont dirigée, entre autres cinéastes. Si son travail de réalisatrice est peu à peu redécouvert (entre les éditions dvd de deux de ses films par Wild Side il y a quelques années ou une ressortie en salles de quatre films par Les Films du Camélia en 2020), cette reconnaissance reste tardive et son œuvre demeure relativement peu accessible.
Mais plus que sa place aujourd’hui, le documentaire se penche sur son parcours et les évidentes embûches qui se sont dressées sur son chemin. D’abord comme actrice, avec des studios qui ne savent d’abord pas vraiment quoi faire d’elle. Puis surtout en tant que réalisatrice, une place assez solitaire durant les années 40 et 50 à Hollywood. Cela ne s’arrête pas là : le documentaire examine comment la place d’outsider de Lupino se retrouve également dans ses films et leurs thématiques. Comment traiter de l’avortement et du mariage dans une société très puritaine, et comment jouer avec la censure pour malgré tout faire des films ?
Car c’est une histoire de cinéma que les sœurs Kuperberg racontent mais aussi une histoire de société. Hier, lorsque Hollywood est devenu un big business, les femmes ont été priées de laisser leur place aux hommes. Quelques années plus tard, après-guerre, le rêve américain vendu comme un slogan ne semble pas concerner les femmes – femme au foyer ou réalisatrice. Même en rencontrant le public, Lupino ne sera pas considérée par les studios et devra au bout de quelques longs métrages se tourner vers une étonnante carrière à la télévision, dirigeant des épisodes pour La Quatrième dimension, Alfred Hitchcock présente ou… Ma sorcière bien-aimée. Ce film, instructif et simple dans sa forme, donne envie de se replonger dans la filmographie de la cinéaste.
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par Nicolas Bardot