Présenté en première mondiale au Festival de San Sebastian puis lauréat de l’Abrazo d’or à Biarritz, Jesús López raconte une mystérieuse et mélancolique histoire de transfert entre un adolescent et son cousin décédé. Ce long métrage remarquable sort le 13 juillet en salles. Le cinéaste argentin Maximiliano Schonfeld, qui sait avec talent stimuler l’imagination du spectateur, est notre invité.
Quel fut le point de départ de Jesús López ?
Mon premier souhait était d’abord de raconter une grande histoire qui traverse la province d’Entre Ríos, quelque chose comme la parabole du fils prodigue, mais située dans différentes couches temporelles. Nous avons écrit un premier traitement où l’une des histoires était celle de Jesús López. Après beaucoup de réécritures, nous avons décidé avec Selva Almada de recentrer le récit sur une histoire plus petite, tout en gardant en vie les éléments qui nous intéressaient. Selva et moi sommes originaires d’une province dévastée par la monoculture, il n’y a plus de montagnes, il n’y a plus de gens à la campagne, tout cela a changé en moins de 20 ans. Disons que tout est arrivé parce que nous pleurons aussi un paysage.
Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette structure narrative particulière ?
La substitution vient de la main de la dualité, donc dès le départ on a envisagé la structure comme un diptyque et c’est cela qui nous a permis d’ouvrir un dialogue entre les deux personnages. J’ai l’impression que les gens se reflètent toujours dans quelque chose ou quelqu’un et je me demandais ce qui se passerait si soudainement ce reflet nous possédait pleinement.
Votre travail de mise en scène laisse beaucoup de place au hors-champ, que ce soit à travers l’image, le son et la musique. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche de cet aspect-ci ?
En ce qui concerne l’image, nous aimons travailler avec des matériaux qui émanent de l’espace lui-même, comme par exemple la terre dont sont faites les routes, et que nous soulevions en nuages devant la caméra avant chaque prise. Nous regardions aussi beaucoup le déroulé du coucher du soleil, en profitant de chaque instant, mais d’un point de vue émotionnel. Nous avons choisi la lumière du soleil non pas pour embellir mais pour créer un lien avec les personnages. Nous faisons un travail très minutieux à cet égard.
En ce qui concerne le son, nous avons créé de petits paysages sonores qui apparaissent deux ou trois fois dans les films. Ces paysages sont des moments de la vie de Jésus, des endroits où il est encore vivant. C’est vrai qu’à ce niveau-là, nous avons accordé plus d’importance au hors-champ qu’à ce qui est présent à l’image. On a imaginé un monde et pendant une semaine, on est allé enregistrer uniquement des éléments qui n’étaient pas destinés à être vus : des petites scènes, des dialogues, tout. Avec la musique, c’était un vrai travail d’équipe. Au-delà de l’interprétation du groupe (Jackson Souvenirs), la monteuse Anita Remón et la conceptrice sonore Sofía Straface ont été très impliquées dans les décisions musicales du film. Ce fut une belle rencontre créative.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
En général, je puise mon inspiration chez des cinéastes qui me sont proches, dont j’admire non seulement les films mais aussi leurs manières de travailler, comme c’est le cas par exemple avec Clarisa Navas.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Je pense que c’était avec Joaquín Spahn, le protagoniste de Jesús López. Il n’avait jamais joué et le jour où nous avons fait le premier test dans un petit village, j’ai été complètement submergé par son intuition devant la caméra.
Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 7 octobre 2021. Merci à Jean-Charles Canu.
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