Festival de Locarno | Entretien avec Leart Rama

Le Kosovar Leart Rama vient de présenter son court métrage Four Pills At Night au Festival de Locarno. Dans ce film, un réalisateur et un acteur se rendent ensemble à une rave. Les choses vont prendre une tournure inattendue… Four Pills At Night est un récit nocturne et nerveux où le caractère hypnotique de la rave a un effet contagieux sur le spectateur. Rencontre avec son jeune et prometteur réalisateur.


Quel a été le point de départ de Four Pills At Night ?

Four Pills at Night est né de circonstances complètement accidentelles, car à la base nous travaillions depuis des années sur mon premier long métrage et nous souhaitions faire un « pilote » de ce film. Par conséquent, nous avons décidé de prendre une scène de ce projet qui pourrait fonctionner comme une histoire en tant que telle et qui ensuite pourrait être intégrée au film. Avec cette idée en tête, nous avons sollicité une subvention à Dokufest et Winterthur et nous sommes heureux de l’avoir reçue. Même si notre priorité était le long métrage, nous avons mis beaucoup d’efforts, d’amour, de passion et passé beaucoup de nuits blanches pour créer le monde de ce petit film. Il se trouve que c’est l’un des films les plus personnels que j’ai jamais réalisés. Tout le monde a travaillé si dur pour Four Pills at Night et tout le monde a donné son maximum. C’était très difficile à faire parce que nous avons décidé de faire ce film sous une forme hybride, en lançant une vraie rave avec le collectif Servis, dans une gare abandonnée de Pristina.

Tous les gens qu’on voit dans le film sont de « vraies » personnes qui sont venues faire la fête dans cette première rave après deux ans de confinement dus au covid – à part les acteurs qui avaient un scénario à suivre. Je n’ai jamais pensé que nous finirions à Locarno pour une première mondiale. Pour moi et mon équipe, c’est à coup sûr un grand feu vert et une assurance de continuer à travailler et de ne pas abandonner, tout en poursuivant le long métrage qui sera intitulé I Must Go Down by the Sea, Again et qui représentera un grand défi. Tout cela ne serait jamais arrivé sans notre productrice Nita Deda qui a rendu possible cette idée impossible.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la mise en scène de la rave qui est centrale dans le film ? La longueur et le caractère répétitif de celle-ci a un effet tel sur le spectateur qu’on a le sentiment d’éprouver le temps qui passe dans ce lieu…

Même si je suis relativement jeune (j’ai 24 ans), j’ai commencé à faire des films à 14 ans et d’une certaine manière j’ai eu le temps d’étudier, de faire des recherches et d’expérimenter ce que j’aime et dont je suis capable. Toutes ces années, inconsciemment, j’ai développé ce style basé sur la répétition et la présentation visuelle des émotions, en essayant d’éliminer les dialogues inutiles. Le style visuel ici est juste le fruit d’un travail continu dans mes films et c’était très naturel pour moi.

La scène de rave pour moi était cruciale dans l’histoire. La musique électronique utilisée dans les rave parties est une musique répétitive qui vous envoie dans un état de conscience hypnotique et profond, par conséquent la narration correspond tout à fait à ce style de musique car elle tente d’imiter son effet. Je fais partie de la culture rave depuis des années maintenant et c’est l’endroit où tout le monde va pour être libre et s’amuser, mais ici se joue quelque chose d’un peu différent. Avec l’aspect répétitif, j’avais clairement l’intention de mettre le public dans cet état hypnotique et délirant afin de lui faire ressentir la même chose que le personnage principal joué par Redon Kika dans le film. Nous savons tous ce que cela fait quand on manque d’amour, qu’on se sent seul et rejeté, mais c’est encore autre chose lorsque l’on se sent seul et rejeté dans un endroit avec des centaines de personnes s’amusent.

L’aspect répétitif et la communication visuelle des émotions, ainsi qu’avoir le courage de sortir des sentiers battus et de briser certaines règles du cinéma, tout cela devait participer à une compréhension émotionnelle plus profonde du film. Bien sûr c’est un film à thématique LGBT et il traite de problèmes rencontrés par la communauté au Kosovo comme dans le monde entier, mais nous voulions aller au-delà de ça. C’est une histoire d’amour, de rejet, d’émotions et de trahison. C’est, finalement, une histoire d’amour entre deux êtres humains.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Pour moi c’est toujours la question la plus difficile ! Je vais essayer de vous répondre davantage en tant que spectateur qu’en tant que cinéaste. Les cinéastes qui ont eu l’impact le plus fort sur moi dans ma vie sont Andrei Tarkovski, Abbas Kiarostami, Lars Von Trier, Gaspar Noé et bien d’autres.

Quel est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, de voir quelque chose de neuf ?

Récemment, il y a eu une vague de nouveaux artistes qui a prospéré du côté de la performance audiovisuelle en direct. C’est une plateforme nouvelle d’expression pour la pensée et les émotions. L’une de mes favorites récentes est Caterina Barbieri qui mélange une musique modulaire avec des visuels et beaucoup, beaucoup de fumée dans ses performances.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 12 août 2021.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

Partagez cet article