POPULAIRE ET CLASSE
Nous étions déjà conquis par les précédentes éditions du Festival de La Roche-sur-Yon, par l’éclectisme et l’ouverture d’esprit de ses sélections, par le prestige de ses avant-premières, et par son organisation chaleureuse. Visiblement nous n’étions pas les seuls charmés, à en juger par la hausse de la fréquentation de cette édition 2018 et les salles souvent remplies à ras bord.
Rétrospectivement, cette hausse de fréquentation est-elle vraiment une surprise ? Dans le programme, le délégué général du festival Paolo Moretti parle d’une manifestation « sans contraintes » ; or pour le paraphraser, on pourrait presque même dire « sans frontières ». Cette année encore, le Festival de La Roche-sur-Yon nous a donné l’impression rare d’un festival pour tous. Un festival qui unit dans une cinéphilie commune le public local et les professionnels, grâce à une programmation éclectique et de qualité. Un festival populaire et classe, à l’image des invités de cette année : Karin Viard, Ethan Hawke, Anna Karina, Quentin Dupieux, Mia Hansen-Løve et Valeria Bruni Tedeschi.
Cette absence de contrainte se retrouve bien sûr dans l’éclectisme des formats (courts et longs métrages mélangés dans des mêmes sections, programmes de clips), d’approches (du documentaire, de l’animation), des genres (de l’horreur au drame historique), ou des domaines artistiques (de nombreux films sur la musique, ainsi que des concerts chaque soir). Mais cette abolition des frontières, on la retrouvait aussi à l’intérieur-même des films les plus audacieux et excitants de cette édition : High Life déjoue les attentes liées au film de science-fiction et de prison, Nuestro Tiempo joue avec les codes du western, Maya prend le contrepied discret du film romantique classique, Museo chamboule le film de braquage, La Favorite ceux du film anglais en costumes, Touch Me Not rend obsolète la séparation entre fiction et documentaire, etc…
UN FESTIVAL POUR TOUS
Il y a des films politiques à La Roche-sur-Yon. Ce n’est pas un gros mot. Les très chouettes Profile, Styx, Cutterhead, D’un château l’autre, Museo (ou le grand gagnant et plus sombre What You Gonna Do When the World’s on Fire)… des films en prise avec le monde contemporain, qui allient le discours au geste artistique, et ce dans des registres parfois inattendus (le thriller, le film d’action, et pas mal de comédies). Mais politique, le festival l’est aussi d’une façon différente, en étant plus inclusif qu’ailleurs. Si ce festival est sans contrainte ou frontière, c’est aussi parce qu’on a beaucoup plus de chance de s’y sentir représenté à l’écran. Dans la plupart des autres festivals, ce qui est à la marge reste à la marge. Par exemple, les réalisatrices, les personnages LGBT ou encore les personnages principaux féminins. Sans le surligner ou sans s’en vanter, le festival de La Roche-sur-Yon fait mine de rien une sacrée résistance.
On a compté cette année 20% de réalisatrices, une demi-douzaine de films queer (dire lesquels seraient parfois spoiler, désolé) et surtout beaucoup de premiers rôles féminins, des femmes puissantes qui prenaient enfin une place centrale. Citons entre autres Halloween, Matangi / Maya / M.I.A, Assassination Nation, Les Veuves, Styx, Suspiria, ou les trois héroïnes de La Favorite.
Face à ces films-là, plusieurs autres ont déjoué les clichés virils, chacun à leur manière. Les protagonistes de Maya, Museo et We the Animals sont des anti-héros à la masculinité nuancée. High Life et Inuyashiki détournent la virilité spectaculaire attendue dans des films de SF. Les films de Lanthimos et Reygadas dynamitent avec cruauté les schémas supposément universels de couples classiques. Comme quoi les frontières cinématographiques n’étaient pas les seules abattues.
Ces coups de balais donnés aux contraintes par Paolo Moretti et son équipe font un bien fou. Cette année encore, le Festival de la Roche sur Yon a passionné, surpris et rassemblé. Que demander de plus ? Pour nous, c’est le meilleur festival de cinéma en France.
Retrouvez ci-dessous nos articles concernant cette 9e édition du festival.
Nos entretiens
• « Les rumeurs les plus folles ont couru à propos du film » | notre entretien avec Adina Pintilie, réalisatrice de Touch Me Not
• « Quand on a reçu les rushes super 8, le meeting de Macron avait l’air d’être un meeting de Giscard. Le factice de cet effort pour avoir l’air « moderne » était en quelque sorte démasqué » | notre entretien avec Emmanuel Marre, réalisateur de D’un château l’autre
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Nos critiques | Compétition
La Favorite | Yorgos Lanthimos
Genèse | Philippe Lesage
The Innocent | Simon Jaquemet
Maya | Mia Hansen-Løve
Museo | Alonso Ruizpalacios
Profile | Timur Bekmambetov
Touch Me Not | Adina Pintilie
Styx | Wolfgang Fischer
What You Gonna Do When the World’s on Fire | Roberto Minervini
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Nos critiques | Compétition Nouvelles Vagues
Friday’s Child | A.J. Edwards
Paisaje | Jimena Blanco
Virus Tropical | Santiago Caicedo
We the Animals | Jeremiah Zagar
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Nos critiques | autres sections
L’Animale | Katharina Mückstein
Cutterhead | Rasmus Kloster Bro
Halloween | David Gordon Green
High Life | Claire Denis
Matangi / Maya / M.I.A. | Steve Loveridge
Nuestro tiempo | Carlos Reygadas
Gregory Coutaut
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