Festival de Rotterdam | Critique : Woodlands Dark and Days Bewitched – A History of Folk Horror

Une exploration de la folk horror en une centaine de films.

Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror
États-Unis, 2021
De Kier-La Janisse

Durée : 3h13

Sortie : –

Note :

TERRE EN TRANSE

Woodlands Dark and Days Bewitched : A History of Folk Horror est un documentaire-fleuve, à peu près aussi long que son titre, consacré au sous-genre horrifique qu’est la folk horror. On a l’habitude de voir en festivals de nombreux documentaires consacrés au cinéma d’horreur, mais ils sont peu nombreux à proposer une telle archéologie d’un genre. Les 3h13 de Woodlands n’ont rien de complaisant – c’est avant tout une question d’exigence. La Canadienne Kier-La Janisse explore la folk horror sous toutes les coutures, de ses représentations familières aux plus inattendues.

Le film, bien sûr, évoque les longs métrages fondateurs, parmi lesquels The Wicker Man de Robin Hardy. Sa structure en chapitres permet de dessiner les contours du genre, que celui-ci s’exprime au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Il examine ses motifs, ses codes. Raconte le lien à la terre et à ce qui est enterré, dépeint les cultures et croyances qui ont survécu à l’ombre de cultures dominantes, se penche sur certaines de ses figures privilégiées (la sorcière, vue comme l’expression d’un pouvoir féminin à la fois fascinant et effrayant). Tout cela est habilement réalisé et commenté, à travers cette enquête à étapes.

Mais l’approche la plus intéressante de Kier-La Janisse se situe dans sa volonté de remettre en question les limites de la définition. La cinéaste élargit le champ : quitte à parler des États-Unis en général, pourquoi ne pas se pencher sur les spécificités du sud du pays ? Le Royaume-Uni oui, mais pourquoi pas la folk horror en Finlande ou au Laos ? Cet élargissement des horizons permet d’aller de l’Australien Pique-nique à Hanging Rock au Japonais Oni-Baba, de citer Sergueï Paradjanov comme Juraj Herz. La cinéaste trouve des échos imprévisibles mais finement observés dans le cinéma d’auteur contemporain, que ce soit dans Au-delà des collines du Roumain Cristian Mungiu ou Le Sang du pélican de l’Allemande Katrin Gebbe, aux côtés d’exemples horrifiques plus attendus comme The Witch de l’Américain Robert Eggers ou Hagazussa de l’Autrichien Lukas Feigelfeld.

Ce remarquable voyage justifie l’ampleur prise par le film. Il y a ici un généreux et ambitieux travail de redéfinition et de réévaluation qui est l’inverse du documentaire flatte-fans tel qu’il y en a en festivals. Le film creuse et fouille plus profondément qu’on ne l’aurait imaginé et prend au sérieux ce riche pan de contre-culture. Détail qui n’en est probablement pas un au moment de parler de contre-culture : la présence nombreuse d’intervenantes féminines, fait habituellement et malheureusement rare dans les docs consacrés au genre qui sont souvent chasse gardée des garçons.

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par Nicolas Bardot

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