Après plusieurs courts métrages, Snowball est le premier long de la Coréenne Lee Woo-Jung. Dévoilé et primé au Festival de Busan, ce drame raconte les relations complexes et douloureuses de quelques lycéennes. Lee apporte une perspective singulière et prometteuse dans ce film qui révèle une personnalité de cinéaste. Lee Woo-Jung est notre invitée de ce Lundi Découverte.
Quel a été le point de départ de Snowball ?
Je n’ai jamais été très fan de montrer les sentiments des personnages de façon directe, ou de me précipiter vers une fin très nette. Parfois, on en a assez d’être soi-même, et je passais par un de ces moments. J’ai pensé que je ne voulais plus continuer à faire des films comme je le faisais avant – en restant « à distance » des personnages et de leurs histoires, comme une observatrice. Et c’est là que j’en suis venue à lire le roman original dont est adapté ce film. J’ai senti l’énergie du roman qui pénètre au plus profond des personnages, et cette force qui conduit l’histoire jusqu’à son dénouement. Je voulais faire un film basé sur ce roman, en espérant pouvoir moi aussi transmettre cette énergie dans mon film.
Comment avez-vous envisagé en termes visuels de mettre en scène cette adaptation ?
Nous devions tourner beaucoup de scènes avec un budget limité et un planning serré. L’idée principale qui nous a guidés mon directeur de la photographie et moi, c’était de suivre et d’être au plus près de la perspective de Kang-Yi pendant tout le film.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont vous avez travaillé avec vos jeunes actrices sur leurs rôles ?
Tout d’abord, elles étaient toutes dans des situations différentes. Certaines d’entre elles avaient déjà de l’expérience dans le cinéma, et d’autres pas du tout. J’ai rencontré chacune des actrices séparément et nous avons eu une conversation approfondie sur chacun de leurs personnages. Nous avons préparé des choses qui n’ont pas été montrées dans le film. Et nous avons établi des questions et des réponses concernant chaque personnage.
Il y a eu un moment par exemple où j’ai dû apporter certains changements à une scène. Pour faire ces changements, j’en discutais avec les trois actrices. Nous avions toutes beaucoup d’enthousiasme pour chaque personnage. Elles ont parfaitement assimilé le point de vue et la situation de chaque protagoniste, à un point que je n’aurais jamais pu imaginer par moi-même. Je pense qu’il est difficile de montrer des sentiments aussi intimes simplement en les jouant. Surtout, pour mieux capturer les moments d’amitié entre adolescentes, j’ai pensé qu’elles aussi devaient être amies dans la vraie vie. Bang Min-A (qui joue l’héroïne, Kang-Yi, ndlr) s’est occupée de cela et elles ont passé du temps à traîner ensemble et à se rapprocher.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Je ne sais pas si j’ai des favoris mais il y a un film que je garde dans mon cœur depuis des années, et qui résonne beaucoup en moi depuis la première fois que je l’ai vu. Il s’agit de Bienvenue dans l’âge ingrat de Todd Solondz, que j’avais loué au vidéoclub sans rien savoir du film, alors que je n’étais qu’à l’école primaire.
Si mes souvenirs ne me trompent pas, le personnage principal a une petite sœur énervante, alors elle coupe la tête de sa poupée Barbie avec une scie. Et elle est heureuse, elle danse et elle écoute les chansons écrites par le garçon qu’elle aime. J’ai pensé que le film comprenait ma malveillance secrète, mes pensées honteuses. Et j’ai toujours ce sentiment-là en moi.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Plutôt que découvrir quelque chose d’inédit, je dirais plutôt que j’ai redécouvert une joie que j’avais oubliée depuis un certain temps. Cela m’a pris pas mal de temps de faire ce premier long métrage. Être sur le plateau de tournage après tout ce temps, parler aux actrices et tourner les plans un par un, tout cela m’a rendue vraiment heureuse et j’ai réalisé que j’avais oublié ce sentiment depuis longtemps.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 10 novembre 2020. Un grand merci à SeongHyun Park.
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