Biarritz Amérique Latine | Critique : Suspensión

En pleine forêt amazonienne, au Sud de la Colombie, gisent les vestiges d’un pont de béton, abandonné en cours de construction. Les efforts menés au cours des années pour construire une route moderne à flanc de montagne ont tous échoué…

Suspensión
Colombie, 2020
De Simón Uribe

Durée : 1h12

Sortie : –

Note :

HIGHWAY TO HELL

Dans le documentaire Suspensión, il n’y a ni voix off, ni intertitre ou commentaire. Si la forme paraît austère, ce sont les images qui ont la parole et elles sont impressionnantes. La majesté et la démesure de la jungle amazonienne prend effectivement toute la place. Qu’il s’agisse d’une route serpentant sans fin telle une colonie de fourmis ou d’un pont pharaonique perdu dans cet océan, on est frappé par la moindre présence humaine contemporaine car elle n’y paraît ni à sa place, ni à la bonne échelle. C’est le montage qui parle également, quand il ajoute ça et là une cinglante ironie : aux images d’archives des pénibles travaux d’antan succèdent celles des catastrophes écologiques actuelles, les simulations enthousiastes en images de synthèse et leur jingle naïf sont abruptement coupées par des images de chantier infernaux.

Le mot enfer n’est pas vain. Surnommée « Le Tremplin du Diable », la route à voie unique reliant ces deux villes escarpées du sud de la Colombie est considérée comme la plus dangereuse du monde. On raconte même que si l’Amazonie est si impraticable, c’est qu’un esprit maléfique veille à ce que la nature demeure inviolée par l’Homme. Si la route d’origine possède son lot d’accidents terribles, la construction sans cesse entravée d’une nouvelle autoroute suspendue à plusieurs voies paraît elle aussi frappée d’une malédiction. Un chantier digne de Fitzcarraldo, détruit par les éléments à mesure qu’il progresse, dont personne ne semble plus croire à la finalisation. A travers cette métaphore sisyphéenne, Suspensión raconte un mirage absurde et violent, celui de la folie des Hommes, de leur incapacité à s’avouer impuissant face à la nature.

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par Gregory Coutaut

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