Jean veut transformer sa maison familiale en bureaux. Elle jette tout ce qui traine et qui n’est plus utilisé. Cependant, quand elle tombe sur certains objets qui appartenaient à Aim, son ex, chacun d’entre eux lui rappelle une histoire, des souvenirs, ainsi que des sentiments non résolus qui ne peuvent pas être aussi facilement être jetés à la poubelle…
Happy Old Year
Thaïlande, 2019
De Nawapol Thamrongrattanarit
Durée : 1h53
Sortie : –
Note :
LA MAGIE DU RANGEMENT
Malgré sa présence ici ou là en festivals (vainqueur à Busan avec 36, sélectionné à la Berlinale avec Die Tomorrow et à Rotterdam avec ce Happy Old Year), le Thaïlandais Nawapol Thamrongrattanarit reste un secret bien gardé en France où sa filmographie demeure méconnue. Il est pourtant, à nos yeux, l’une des principales révélations du cinéma mondial apparues ces dernières années. Happy Old Year confirme son talent dans une forme plus mainstream que 36, Die Tomorrow, ou l’expérience ludique Mary is Happy, Mary is Happy et son adaptation cinématographique de tweets. C’est un mélo grand public dont le pitch découle de la philosophie très populaire de Marie Kondo : l’héroïne de Happy Old Year va faire le ménage dans sa tête en faisant le vide chez elle.
Mais vider une maison, qu’il s’agisse d’objets inutiles ou de souvenirs cheesy, ne s’avère pas si facile. Et qu’est-ce que cet imposant gros piano posé au milieu du salon peut-il bien signifier ? Nawapol Thamrongrattanarit se penche sur l’indicible sentiment qui peut être lié aux choses les plus triviales, poussiéreuses ou désaccordées – un souvenir ému mais aussi une douleur. Jean est tentée de suivre la méthode Kondo ou le modèle suédois, mais les règles ne peuvent pas s’appliquer indistinctement à toutes les vies. On parle beaucoup en devises et slogans dans Happy Old Year, qu’il s’agisse de ceux de Kondo (« le passé est notre ennemi »), des cartons qui ouvrent les différents chapitres du film ou des propos des protagonistes eux-mêmes : « C’est le moment pour notre génération », « Oublie ton cœur », « Ne ressens pas trop de choses ». Happy Old Year ramène ses personnages sensibles à leur humanité : on ne vide pas une maison-musée comme on effacerait l’historique d’un ordinateur.
Le film, pourtant, ne se limite pas à une célébration idyllique du passé et de son amoureuse nostalgie. Happy Old Year effectue un va-et-vient pas évident entre une grande tendresse et une profonde amertume. Et si, finalement, tout envoyer à la benne à ordure était une parfaite solution de self-care ? Il y a toujours de la place pour la nuance dans le cinéma en dentelle de Thamrongrattanarit. Happy Old Year a beau être un film où l’on dit beaucoup les choses, le non-dit importe tout autant. Comme dans ses précédents films, le vide que l’on laisse et que l’on filme a un sens. Le minimalisme apparent chez le cinéaste cache toujours quelque chose de gigantesque. Suffit-il de détruire pour construire ? Ces photos éveillent-elles une étincelle de joie ? Plus qu’une étincelle en tout cas, le long métrage suscite en nous un feu d’artifice d’émotions.
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par Nicolas Bardot