Festival de Rotterdam | Critique : I Blame Society

Une jeune réalisatrice imagine le crime parfait : délivrer l’un de ses amis d’une relation toxique en tuant sa partenaire. Elle décide de passer à l’action et d’en faire un film. Elle sombre peu à peu dans la folie.

I Blame Society
États-Unis, 2020
De Gillian Wallace Horvat

Durée : 1h24

Sortie : –

Note :

LA PETITE MEURTRIÈRE

Gillian galère. Elle souhaite ardemment réaliser son premier long métrage mais elle peine à naviguer dans l’univers masculin des studios de Los Angeles. Difficile de trouver sa place entre son partenaire moquant les réalisatrices qui analysent tout à outrance, et des producteurs qui ne parviennent même pas à prononcer le mot intersectionnalité. Mais cela, Gillian a du mal à le réaliser pleinement. Pour elle, le problème, c’est plutôt cette fille avec qui sort son ami d’enfance. Gillian estime leur relation toxique. Elle se met en tête d’intervenir. Et si elle faisait de cette expérience la base de son film ?

Pour son premier long métrage, la réalisatrice américaine Gillian Wallace Horvat se met en scène dans son propre rôle, sous la forme d’un journal intime. Elle se filme dans son quotidien, au téléphone ou en réunion avec des collègues, au lit avec son magnifique chat, au téléphone avec ses amis. Dans ce qui commence comme une expérience théorique et personnelle à la Anna Odell, Horvat documente son désir naïf et son entrainement à devenir une justicière à tout prix.

Dans I Blame Society (« C’est la faute à la société », tout un programme), tout a l’air vrai et tout a l’air faux. Dans cet autoportrait dépréciatif et hilarant comme un miroir déformant de fête foraine, Horvat se dépeint rapidement comme une tête à claques incapable d’avoir des relations saines avec son entourage. Une pauvre fille pathétique dont les grandes théories sur l’art ne servent que de cache-misère à des névroses sociales risibles. De l’exercice narratif, le film vire au potache : Horvat se rêve en espionne mais ne réalise même pas qu’elle est fringuée comme une méchante de Scooby-Doo. Elle s’imagine meurtrière hors-pair mais elle n’arrive même pas à voler du sirop pour la toux au supermarché.

I Blame Society enchaîne les scènes à se frapper les cuisses de rire, à mesure que son héroïne minable (du genre à se cacher derrière une porte… en verre transparente) perd joyeusement les pédales et le contrôle de son projet à la con. Dans cette course au n’importe quoi, le film perd parfois de son souffle et de son rythme, mais derrière la folie dingo se révèle aussi une vraie rage, et toutes les deux sont contagieuses. Dans un monde (Hollywood, mais aussi partout ailleurs) qui pousse les femmes à la folie, à se détester les unes les autres, à n’être que les faire-valoir des hommes… et si c’était cette meurtrière vengeresse qui avait raison ? Si c’était elle, l’héroïne que Hollywood méritait vraiment ?

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par Gregory Coutaut

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