UNE SÉPARATION

Marriage Story n’est pas à un paradoxe près. A commencer par son titre, qui se révèle surprenant puisque le couple qu’il met en scène se trouve être en pleine séparation. Charlie et Nicole – incarnés avec une remarquable justesse de ton par Adam Driver et Scarlett Johansson – ont beau faire un inventaire à la Prévert de ce qu’ils aiment chez l’autre, leur divorce semble inévitable. Le film joue des informations contradictoires : la rupture approche, mais les sentiments amoureux ne semblent pas complètement éteints. Noah Baumbach aurait pu jouer la carte de l’ironie ou du cynisme permanents, il les met en sourdine pour servir une partition douce amère, où l’émotion n’est jamais loin de l’humour– et inversement. Car oui, on rit beaucoup avec ce mélange de comique de situation et de comédie new yorkaise.

Charlie est un metteur en scène de théâtre à New York tendance « intello »,  Nicole est une actrice qui a envie de se détourner des pièces confidentielles pour tenter l’aventure d’un blockbuster à Los Angeles. Une divergence de points de vue professionnels qui fait exploser leur couple. Le scénario est sans doute nourri – impossible de dire dans quelle mesure – de l’expérience de Noah Baumbach, qui a divorcé d’avec Jennifer Jason Leigh en 2013, au bout de trois ans de procédure. Mais jamais l’éventuelle lecture autobiographique ne s’impose lors de la vision de Marriage Story.

Aucun des deux protagonistes principaux n’a le beau rôle. Le film est le constat désabusé de l’échec d’une relation, de deux êtres qui tiennent l’un à l’autre mais ne parviennent plus à s’entendre. Tous deux, à leur manière, doivent jouer à « être séparés ». Si l’on peut feindre l’amour, peut-on feindre le désamour ? En partie semble suggérer Noah Baumbach qui filme aussi la « comédie » du divorce et ce qu’elle implique aussi pour l’entourage des premiers concernés. En témoigne cette scène où les avocats de Charlie et Nicole – dont la géniale Laura Dern – sont capables de passer des reproches gratinés à la discussion badine en un claquement de doigt lorsque se pose la question du déjeuner. Ici, la gravité et la légèreté font très bon ménage.

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