An Old Lady est le premier long métrage de la Coréenne Lim Sun-Ae. Ce drame délicat traite d’un tabou avec les violences sexuelles dont a été victime une femme âgée. Présenté en compétition au dernier Festival de Busan, le film a obtenu le prix du public. Lim Sun-Ae est notre invitée de ce Lundi Découverte.
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Quel a été le point de départ de An Old Lady ?
J’ai lu par hasard une chronique qui parlait de violences sexuelles touchant les femmes âgées. J’ai été choquée que ces femmes soient spécifiquement prises pour cibles. La raison étant que les gens ne croient pas aux dommages causés aux femmes âgées, ils s’attendent à ce qu’elles ne soient pas en mesure de signaler des abus car elles ont honte. Et c’est terrible.
Je ne sais pas à quel point un film peut changer les perceptions et la société, mais si on parle de ce sujet, peut-être que cela aura un impact sur les auteurs de tels crimes. Pour créer le film, j’ai bien sûr écouté beaucoup d’histoires de violences sexuelles, mais j’ai surtout été encouragée à faire ce long métrage parce que je n’avais pas vu de film où les victimes de violence sexuelle sont des femmes âgées.
Comment avez-vous travaillé sur le style visuel pour raconter cette histoire en particulier ?
Nous avons beaucoup parlé du scénario en amont, bien avant le début du tournage. Lorsque j’ai travaillé sur le storyboard, je n’ai pas cherché en premier lieu à faire quelque chose d’inédit, je prenais étape par étape ce sur quoi nous luttions. La question la plus importante, c’était : qu’est-ce que le film doit montrer. Quelle est la position du public vis-à-vis de ce qu’il voit, mais aussi de ses préjugés sur les femmes âgées ou même les personnes âgées en général.
J’ai à cet égard décidé d’exclure autant que possible les indications expliquant les situation, ou les gros plans qui montrent de manière évidente les émotions de l’héroïne. A l’image de celle-ci observant les gestes du quotidien comme les préjugés de la société, il fallait mettre de la distance entre le sujet et la caméra.
An Old Lady est un film sur la parole : sur ce qu’on peut dire, sur ce qui peut être entendu, sur la confiance. Pour poursuivre ce que vous nous disiez lors de votre précédente réponse, comment avez-vous abordé ce que vous pouviez montrer ou ne pas montrer à ce sujet ?
Pour compléter ce que je vous ai dit, on s’est demandé comment il fallait montrer les diverses violences dans le film. Parfois il ne s’agit même pas de violence physique, ce sont aussi des erreurs, une violence commise inconsciemment. On ne souhaitait pas montrer la violence de manière directe. En tout cas, plutôt que de se concentrer sur les paroles et les actes des auteurs de cette violence, il était important de décrire et d’exprimer les sentiments de la victime.
Par conséquent, nous ne voulions pas montrer une telle violence directement au cours du scénario. Cependant, plutôt que de se concentrer sur la description des paroles et des actes des auteurs de la violence, il était plus important de décrire et d’exprimer les sentiments de la victime.
Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
J’ai tellement de réalisateurs préférés… C’est difficile de choisir ! J’ai découvert Eric Rohmer quand j’avais une vingtaine d’années, avec des films tels que Le Rayon vert, Conté d’été ou Ma nuit chez Maud. Parmi les œuvres les plus récentes, je citerais Andrei Zvyagintsev. L’une de mes inspirations pour An Old Lady a été Leviathan, qui m’a semblé trouver le bon moyen pour exprimer une histoire de façon forte et sophistiquée.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
L’actrice Mun Hye-In, qui j’ai vue au Festival de Busan dans le film The Education, m’a impressionnée. Elle a un charme naturel qui ne s’explique pas. Tout au long du film, il y a comme un air d’inconnu. Mun Hye-In a été primée par son interprétation, donc ce n’est pas une découverte à moi : c’est la découverte de tout le monde.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 25 octobre 2019. Un grand merci à Park Kwansu.
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