Une porte condamnée dans un appartement de Belgrade révèle l’histoire d’une famille et d’un pays dans la tourmente. Tandis que la réalisatrice entame une conversation avec sa mère, le portrait intime cède la place à son parcours de révolutionnaire, à son combat contre les fantômes qui hantent la Serbie, dix ans après la révolution démocratique et la chute de Slobodan Milošević.
L’Envers d’une histoire
Serbie, 2018
De Mila Turajlic
Durée : 1h40
Sortie : 24/10/2018
Note :
DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA PORTE
L’Envers d’une histoire s’ouvre sur une porte scellée depuis des décennies. Quels mystères se cachent donc derrière cette porte ? Il n’est pourtant guère question de secrets ou de suspens dans le documentaire de la Serbe Mila Turajlić (lire notre entretien), et l’analogie semble limpide pour tout le monde : « Tout Belgrade ressemble à un appartement divisé ». Tout Belgrade, mais aussi toute la Yougoslavie. La famille de la cinéaste, jadis suspectée d’être anti-communiste, a vu son appartement partagé et découpé – cela constitue le point de départ d’un récit familial intime mais aussi du passionnant récit d’un pays entier.
Mila Turajlić interroge sa mère, Srbijanka Turajlić, militante politique qui toute sa vie s’est battue pour ses opinions, de 68 où l’on pensait changer le monde aux intimidations fascistes d’aujourd’hui. Srbijanka Turajlić est une mine de savoir dans ce pays qu’on juge comme « pas normal », elle qui assiste consternée au spectacle des foules qui acclament les tanks. Au-delà du documentaire-vérité, Turajlić (mère) constitue une figure bigger than life, ultra-charismatique et aux contradictions remarquables : une battante acharnée qui a pourtant la conviction que toutes les révolutions échouent.
L’Envers d’une histoire est un documentaire puissant sur l’engagement moral et politique. Dans notre entretien, la réalisatrice commente : « C’est un film sur l’engagement, mais aussi sur la transmission d’un certain héritage moral qui, comme tout héritage matériel, doit être pris en compte par chaque génération pour construire sa propre existence ». L’histoire ici racontée a été réécrite, puis se répète, et le film questionne avec nuances les regards de différentes générations (la mère filmée, la fille filmeuse) sur l’Histoire. « On peut vivre ici seulement si on s’extrait du réel », entend-on dans L’Envers d’une histoire, alors pourtant qu’il y a ici une captivante façon de s’y confronter.
>>> L’Envers d’une histoire est visible gratuitement sur le replay d’Arte.
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par Nicolas Bardot