Un effondrement de terrain s’est produit dans un quartier de banlieue et une équipe d’ingénieurs, dont Hao fait partie, est dépêchée pour en trouver la cause. Après des jours à arpenter la banlieue vide en quête de réponses, chargé de son lourd matériel, Hao entre dans une école primaire où il trouve un journal retraçant l’histoire d’un garçon…
Suburban Birds
Chine, 2018
De Qiu Sheng
Durée : 1h58
Sortie : –
Note :
DOUX OISEAUX DE JEUNESSE
Le premier plan de ce magnifique Suburban Birds est assez angoissant – il s’agit en fait d’un trompe l’œil. L’image que l’on voit vient d’un outil pour cartographier la ville et les personnages ne sont pas en danger. Suburban Birds installe très vite son atmosphère insaisissable. La caméra zoome et dézoome, volatile ici ou là, comme si elle savait précisément quoi saisir. Est-ce vraiment le cas ? Le film, en très peu de temps, varie les tons de manière très étonnante. Ce ne sera pas la seule chausse-trappe de ce film joueur, où les (trop) beaux chants d’oiseaux viennent en fait d’un portable et où la musique peut brouiller les pistes.
Suburban Birds se recentre sur l’un des protagonistes qui, lors de ses recherches, tombe sur ce qui ressemble à un journal intime. On plonge dans les matriochkas du récit dans le récit, avec un air de Hong Sang-Soo auquel l’usage du zoom faisait déjà penser. On sera ailleurs pourtant. Dans Suburban Birds, le sommeil et la torpeur servent de porte d’entrée entre le passé et le présent, à l’image du cinéma d’Apichatpong Weerasethakul. Hong Sang-Soo, Apichatpong Weerasethakul et le meilleur du cinéma indé sophistiqué chinois – vous avouerez que les ingrédients de ce premier film sont magiques.
Sans trop vous en dévoiler, Suburban Birds fait le récit d’enfance trouvé dans les pages de ce journal. Est-ce un journal ? Est-on dans le passé, dans un autre présent ? L’auteur est-il le héros, est-ce une prophétie ? On passe son temps à scruter dans ce long métrage. On pose une loupe sur la ville, on admire la baie magnifique, on regarde à travers des jumelles pour mieux voir. On parle, entend-on, de « découvrir les secrets du monde ». Mais le mystère est permanent dans Suburban Birds, à l’image de cette énigme à résoudre pendant l’enfance qui revient plus tard hanter les adultes.
De quoi l’enfance est-il le nom ? On narre des souvenirs à la vive netteté, on regarde de jolis dessins laissés sur les pupitres à l’école. Tout cela semble très simple. Et tout, là encore, est mystérieux. Qiu Sheng (lire notre entretien) raconte, comme beaucoup de ses compatriotes, une Chine contemporaine où des quartiers entiers sortent du sol tandis que d’autres sont en ruine. Mais il privilégie une poésie intime pour se pencher avant tout sur l’architecture fragile de ses personnages. Il y a une façon remarquable de mettre en scène l’espace : un arbre nu dans une nuit bleue, un trou noir dans la route, l’inconnu derrière un mur à escalader, un travelling qui suit les enfants dans une forêt… Mais l’exploration du lieu ici est aussi une exploration de l’identité, et des humains.
Dans Suburban Birds, le passé est toujours niché quelque part dans le présent. Lorsque les personnages explorent un souterrain, ils y trouvent une fresque murale comme une peinture préhistorique cachée depuis avant-hier – ou depuis toujours. Dans ce magnifique laboratoire (quelles lumières ! quelles couleurs !), il y a une large place pour la tendresse. Car malgré ses thèmes complexes, le film n’est pas froid. Il se penche avec bienveillance sur des figures adultes et le secret de leur enfance. On trouve des clefs ici, envisagées avec nostalgie et légèreté. Une légèreté comme la comptine chantée par les enfants : « le futur nous appartient, didida-dida… ».
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par Nicolas Bardot