Critique : Avant l’aurore

Mirinda, un Français prostitué, vit au jour le jour dans les faubourgs de Phnom Penh.
Une existence faite d’excès et d’espoir, dans une ville toujours marquée par son passé Khmer rouge.
Sa rencontre avec Panna, une petite fille livrée à elle-même, va bouleverser son équilibre et lui donner le courage de se transformer encore.

Avant l’aurore
France, 2015
De Nathan Nicholovitch

Durée : 1h45

Sortie : 19/09/2018

Note : 

LES PROMESSES DE L’OMBRE

Avant l’aurore, avant les premières lueurs du soleil levant, c’est la nuit la plus noire et poisseuse. Celle d’un bar à hôtesses de Phnom Penh, celle de la la corruption omniprésente, celle des gamins livrés à eux-mêmes et des occidentaux largués venus se perdre dans ce décor de western tropical. Une obscurité où l’absence de chaleur des rayons du soleil se fait durement ressentir. Pour son deuxième film, Nathan Nicholovitch (lire notre entretien) n’a pas peur d’utiliser des archétypes de film noir, mais il les redistribue de telle manière qu’on a l’impression de les découvrir pour la première fois.

Au cœur de ce monde-là se trouve Mirinda, un travesti français d’une quarantaine d’année aux cheveux décolorés, qui se prostitue et tire les cartes pour les clients du bar. A la fois prostituée au grand cœur, justicier solitaire, homme blessé et père de substitution, Mirinda pourrait être une juxtaposition de clichés. Mais, transcendé par une écriture fine et par le charisme très physique de son interprète David D’Ingeo, elle se révèle un personnage en or.

Passées les présentations, Nicholovitch fait le pari gonflé – mais payant – de multiplier les ellipses, nous maintenant dans un étonnant état de redécouverte constante. Il plonge son récit dans la captation d’un quotidien bouillonnant, filmé à même la rue, de bars de nuit en courses en tuk-tuk. Devant sa caméra, le Cambodge déborde d’une pulsion de vie qui donne au film un sacré souffle. Avant l’aurore fait le portrait d’un pays chaotique et passionnant, au passé et au présent douloureux.

A la peinture sociale se rajoute une enquête sur le trafic d’enfants perpétré par les anciens dirigeants khmers rouges, puis plus tard, un autre récit se développe encore : celui d’un émouvant tissage familial entre ces personnages paumés, qui tanguent mais tiennent le cap tant bien que mal. A mesure que l’aurore du titre pointe son nez, le film devient effectivement de plus en plus lumineux, donnant lieu à une émotion que l’on avait pas vue venir.

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par Gregory Coutaut

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