A voir en ligne | Critique : Whitney

Elle a vendu 200 millions d’albums. Elle détient le record du plus grand nombre de numéros 1 consécutifs. Sa chanson « I Will Always Love You » est le single le plus vendu par une chanteuse. Derrière les records, les rumeurs, les scandales, les secrets et la gloire, voici la vraie Whitney.

Whitney
Royaume-Uni, 2018
De Kevin Macdonald

Durée : 2h00

Sortie : 05/09/2018

Note : 

SO EMOTIONAL

Que pourrait-il bien arriver de mal à cette magnifique jeune femme pleine de vie que l’on voit, au tout début du film, danser dans un décor ultra rose-bonbon ? On n’entend alors que la voix de Whitney, isolée de l’orchestration, ce qui offre deux clefs au sujet du passionnant documentaire réalisé par Kevin MacDonald. D’abord, ce qui apparaît comme la quintessence de la joie pop 80’s (le single I Wanna Dance with Somebody) se drape d’une étrangeté, voire d’une tristesse inédites. Ensuite, ce dépouillement indique que l’on va se concentrer sur le cœur de Whitney, sur ce qui a pu être entendu mais n’a pas été écouté.

Aux images rose-bonbon se superpose le récit par Whitney d’un cauchemar marquant. C’est cette juxtaposition rose-nuit qui rend poignant le documentaire. Ce dernier va bien au-delà du simple programme pour fans – Whitney est tellement dense et riche qu’il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’être un admirateur de la chanteuse pour voir le film. Whitney explore des questions assez proches de celles de Moi, Tonya, le biopic consacré à Tonya Harding sorti en salles en début d’année. Qu’est-ce que des personnalités si populaires peuvent révéler de bien plus grand qu’elles ? Quelle noirceur et quelle tragédie se cachent derrière ces figures exagérément idéales (une patineuse à sequins faisant des pirouettes gracieuses sur la glace, une chanteuse à la voix d’ange faisant des roucoulades sur des morceaux d’amour) ?

Ce dialogue est passionnant car, dans des registres qui peuvent être considérés comme cheap (le patinage, la pop) voire de mauvais goût (les paillettes, le beat synthétique), Harding et Houston (appelons-les, comme le font leurs films, Tonya et Whitney – car il n’y a qu’une Tonya et qu’une Whitney) constituent de vertigineuses allégories. Whitney se penche de manière extraordinaire sur la dimension mythologique que peut prendre une icône pop – pas tant par son immense popularité, mais par la damnation mythologique dont elle semble être victime comme c’est le cas pour Whitney Houton.

« Elle eu une enfance idyllique », insistent des membres de la famille de Whitney venus témoigner pour le documentaire. Insistent d’ailleurs avec tellement d’aplomb qu’on finit par ne plus entendre que le contraire. Sans psychologiser à outrance, le documentaire raconte une histoire familiale complexe et ambiguë telle qu’une fiction n’aurait pas osé imaginer. On raconte la jeune Whitney à partir de précieuses images d’archive, celles émouvantes des premiers chants à l’église, celles drôles où l’on trolle Janet Jackson ou Paula Abdul. Et une violence peu à peu se dessine à travers, certes, la chute de Whitney, mais aussi ces témoignages. Si le doc est consacré à la chanteuse, il est aussi un document édifiant sur la masculinité toxique, qu’il s’agisse du père, du mari, ou dans une moindre mesure des frères de la chanteuse. « Ils étaient peut-être un peu homophobes » entend-on, avec des pincettes, pour parler de la relation entretenue par Whitney et son amante Robyn Crawford. Au-delà du portrait d’artiste, Whitney raconte de façon bouleversante le poids familial exercé sur une jeune femme qui conforme sa vie à recréer un idéal qui n’existe pas.

C’est aussi, d’une manière, une histoire de l’Amérique que l’on déroule ici, de Reagan à Clinton et tant d’autres images qui apparaissent à l’écran. De cette Whitney jugée trop blanche lorsqu’elle interprète une pop qu’on estime trop calibrée, ou de cette même Whitney se réappropriant de façon impressionnante l’hymne national américain lors du Super Bowl en 1991. Car le documentaire revient, bien sûr, sur les qualités exceptionnelles d’interprétation de Whitney, sur sa voix qui dans ses chansons met un sens que leurs compositeurs n’auraient pas imaginé. « Whitney est là quelque part, mais elle est prise au piège » : le film est un hommage et un souvenir, il est aussi un portrait tragique terriblement émouvant.


>> Whitney est visible en ligne sur la plateforme vod d’Outplay

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par Nicolas Bardot

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