Critique : 1048 lunes

D’abord, l’attente. Celle de Briséis qui, délaissée, face à la mer, attend Achille. Puis Phyllis, déambulant par bois et chemins, qui attend Démophon ; et aussi Héro à guetter le retour de Léandre ; Oenone attendant Pâris ; et bien sûr Pénélope, à se languir d’Ulysse. Autant de personnages empruntés aux Héroïdes, texte d’Ovide qui revisitait en son temps les figures féminines de la mythologie grecque sous forme d’adresses écrites à l’époux ou l’amant dont elles étaient séparées

1048 lunes
France, 2017
De Charlotte Serrand

Sortie : –

Note : 

L'Attente des femmes

De la personnalité, du panache et de l’imagination : voilà ce qu’on peut attendre d’une première réalisation. C’est ce que nous réserve la Française Charlotte Serrand avec son très curieux 1048 lunes. Ce long métrage est une libre relecture des Lettres d’amour d’Ovide. Vue comme « un contrechamp de la Guerre de Troie », cette relecture détourne quelque peu la dimension tragique du matériau de base et cette attente des femmes est traversée d’un esprit plus ludique que ça à quoi on pouvait s’attendre.

Il y a en effet dans 1048 lunes une place pour la fantaisie, des petits sauts de cabri lunaires qui tireraient presque vers un humour absurde. C’est le genre de sensation de chaud-froid (pour citer Bruno Dumont) qui rend le film vibrant et vivant. D’un point de départ tragique, Serrand fait un récit d’une lenteur toute sereine. Le soleil décline et ce beau décor-là a quelque chose d’apaisant. Comme une façon de consoler les héroïnes d’hier et dont l’horizon semble obstrué. « La mer a tout emporté » mais les choses ici ne sont pas si graves.

Quelques silhouettes finement découpées, les reflets hypnotiques de la mer : très vite, 1048 lunes impose une séduisante dimension picturale. Celle-ci est mise en valeur par la façon qu’a Serrand de chérir le silence. « Est-il vraiment nécessaire de faire se rencontrer des personnages (créer des rencontres, amener entre eux, se présenter) quand le montage (2 images l’une à côté de l’autre) c’est déjà une rencontre ? », commente t-elle avec pertinence. 1048 lunes et un conte bienveillant et poétique qui donne envie d’en voir plus sur ce fera son autrice.

 

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par Nicolas Bardot

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