If You See Her, Say Hello est l’une des pépites du Festival Visions du Réel. Le duo composé par Oscar Jiajun Zhang & Hee Young Pyun raconte l’histoire d’un voyageur qui passe d’une ville ultra-moderne à la ville de son enfance aujourd’hui abandonnée. Ce court métrage élégant et poétique vient d’être distingué au festival. Oscar Jiajun Zhang & Hee Young Pyun sont nos invité.e.s de ce Lundi Découverte.
Quel a été le point de départ de If You See Her, Say Hello ?
Oscar : Nous avons entendu l’histoire d’une amie, sur sa ville natale abandonnée dans la partie nord-ouest de la Chine. Nous avons découvert l’endroit à travers ses souvenirs, c’était une ville qui a accueilli 50.000 travailleurs du pétrole. Elle a été construite du jour au lendemain, et quand le pétrole a été épuisé, les gens ont déménagé. Et ça s’est transformé en ville fantôme. Mais quand nous avons visité cet endroit, nous avons également trouvé une ville moderne adjacente qui était très prospère, contrairement à la ville abandonnée. L’idée de faire un film qui voyagerait à travers ces deux lieux et la frontière entre la mémoire et l’imagination a commencé à se former.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre utilisation des photos, en particulier dans un film qui traite de la mémoire et de l’imagination ?
Hee : Il était intéressant de découvrir que la plupart des spectateurs supposent que les photographies appartiennent au passé. En fait, elles ont tous été prises par Oscar et moi, simultanément pendant le tournage. Nous transportions des caméras de film 35mm tout le temps, et nous avons constamment pris des photos. C’est une expérience universelle de regarder des photos et d’écouter quelqu’un parler du passé (avec l’aide bien sûr de l’imagination pour combler les lacunes entre les souvenirs fragmentés), et nous avons essayé d’explorer cette connotation temporelle avec différents médias. Par exemple, après avoir regardé toutes les photos fixes avec une voix off, les images en mouvement de l’endroit abandonné semblent davantage appartenir au présent, voire même au futur.
Comment avez-vous abordé la mise en scène de ces endroits vides et désolés ?
Oscar : Nous avons utilisé des plans statiques dans la ville abandonnée, en contraste avec les photographies, les plans en mouvement, et les selfies dans la ville moderne. Quand notre voyageur en uniforme rouge serpente dans ces espaces vides de la ville fantôme, il a l’air un esprit, un fantôme, ou un étranger pour nous. Il y a un sentiment de non-appartenance ici, un sentiment de deuil pour sa passion perdue. Dans ces images, le voyageur rouge se déplace lentement, et à distance. Il entre et sort du cadre. La caméra reste allumée et capte les ondulations dans l’air.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Hee : Bien sûr, nous avons beaucoup, beaucoup, beaucoup de cinéastes préféré.e.s, mais Chantal Akerman serait la première si nous parlons de l’inspiration de If You Say Her, Say Hello. C’est peut-être un encouragement plutôt qu’une inspiration que nous avons reçu de ses films. Nous avons beaucoup appris de ses œuvres. Par exemple, nous avons appris à avoir une conversation avec l’espace (ou le lieu) à partir du film Hotel Monterrey, et nous avons appris le rythme de la voix et du silence en voyant News From Home. Mais surtout, nous avons appris grâce à elle l’esprit d’un cinéma miniature. Les petits films peuvent être les plus grands.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu l’impression de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Hee & Oscar : Nous avons eu la chance de suivre deux séminaires de Dennis Lim à l’Université de Harvard. L’un s’intitulait L’Art du réel : repenser le documentaire et l’autre Documentaire au XXIe siècle. Nous avons regardé et rencontré de nombreux cinéastes intéressants dont les œuvres défiaient la frontière entre fiction et documentaire. Parmi eux, je me souviens que nous étions très excité.e.s après avoir regardé les œuvres de Jem Cohen, Sky Hopinka, Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor. Et en ce moment à Visions du Réels, nous avons la joie de pouvoir regarder plus de ces films hybrides et même rencontrer virtuellement ces camarades de partout dans le monde.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 23 avril 2021. Un grand merci à Gloria Zerbinati.
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